Finance

La France, une société d’héritiers et de rentiers ?

Baghdad CHIJII
10/19/2023
5 minutes

En France, il existe un sujet brûlant, tabou, et pourtant essentiel à aborder : l’héritage. Oui, vous avez bien lu, cet héritage qui est source de richesse pour certains qui peuvent se permettre de dormir tranquillement, tout en laissant le reste du monde s’interroger sur ses chances de succès.

Pourquoi ? Parce que l’héritage en France est devenu une société d’héritiers où la succession est en train de devenir une sorte de passe-droit et un ticket doré vers la richesse.  Une source d’inégalité dès la naissance.

L’héritage, 1ère source de richesse en France

Depuis les années 70, le poids des transmissions patrimoniales a explosé, nous rapprochant des niveaux du 19ème siècle. Un retour vers le passé qui devient de plus en plus pesant. Jusqu’à atteindre 60% du patrimoine des français provenant de l’héritage contre 35% au début des années 70.

Ainsi, si vous faites partie de ceux qui ont la chance d’être “bien nés”, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Pourquoi ? Parce que l’héritage vous garantit une place privilégiée dans cette volonté d’émancipation et d’indépendance financière. Vous commencez votre vie avec plusieurs avantages, héritant peut-être d’une  “maison de famille », de moyens financiers pour vous aider dans votre parcours scolaire, d’un environnement propice à la réussite avec un accès direct à des conseils avisés de spécialistes tel que les notaires, les avocats fiscalistes, les conseillers en gestion de patrimoine. Le tout sans oublier bien évidemment la présence d’un joli magot pour bien commencer sa vie et prendre des risques.  

L’épine dans le pied (de l’égalité des chances)

L’héritage est donc devenu un obstacle majeur à l’égalité des chances. Alors que la société crie à l’injustice et réclame une répartition plus équitable de la richesse, l’héritage creuse davantage le fossé entre les nantis et les moins fortunés.

Voici quelques statistiques percutantes:  

  • Les 0,1 % les plus riches en France reçoivent 13M€ soit 180 fois plus que  l’héritage médian estimé à 70 000 euros. C’est un peu comme si vous jouiez au Monopoly avec des règles injustes puisque que certains démarreront avec un hôtel sur la rue de la Paix, tandis que d’autres se contenteront d’une case porte de la Villette.
  • Seuls 13% des ménages héritent d’une somme supérieure à 100 000€.
  • Les français héritent de plus en plus tard, souvent après 50 ans, là où bien souvent notre vie est derrière nous. Les besoins sont souvent pressant lorsque l’on est plus jeune, que l’on souhaite entrer dans la vie active et saisir des opportunités ou tout simplement créer sa société. Cette transmission tardive a des impacts directs sur notre société. En effet, plus nous sommes âgés, plus le patrimoine détenu sera investi sur des supports liquides et peu risqués (tels que les fonds obligataires rémunérés par des intérêts). Tout cela au détriment des investissements dans l’économie réelle que des jeunes pourraient facilement réaliser puisque plus enclins à prendre des risques étant donné qu’ils ont des horizons de placement beaucoup plus longs (investissement dans des actions et des start-up innovantes par exemple).

Mieux vaut “Hériter” ou “Mériter”  ?

La question se pose donc de savoir si le principe de méritocratie et le travail permettent encore de pouvoir changer de niveau de vie ?

Cette question est essentielle puisqu’elle permet aux jeunes générations de trouver un espoir de réussite qui va les pousser à agir positivement au sein de la société. Or, le travail ne permet malheureusement plus à la majorité des français d’améliorer leur niveau de vie et in fine de s’enrichir.  

Alors qu’il y a encore quelques années, il fallait 40 ans de travail pour pouvoir espérer doubler son niveau de vie, il faut compter désormais pratiquement le double, soit 70 ans (ce qui est quasiment impossible sur une seule génération soit dite en passant) pour multiplier par deux son niveau de vie.

Bien évidemment, cela correspond à une moyenne qu’il faut nuancer avec la présence de disparités partout sur le territoire, mais cela démontre bien que la détérioration de la valeur travail au fil des années est criante.

Quelles solutions ?

L’héritage peut être un moyen formidable de distribuer les richesses dans la société, de fortifier les liens familiaux et de contribuer à l’atteinte d’une paix sociale.  

Encore faudrait-il que la transmission du patrimoine soit favorisée beaucoup plus tôt pour que celui-ci soit mis entre les mains d’une génération plus jeune qui pourra l’investir des activités beaucoup plus productives et créatrice d’emploi (et donc de richesse).

Ainsi, plusieurs solutions permettent de maximiser la transmission du patrimoine au fil des années entre les générations. :

1- Profiter des dispositifs déjà existants

Les taux de taxation en France sont  relativement élevés sur les successions car ils peuvent atteindre 60% !

Parallèlement, de nombreux dispositifs ont été mis en place pour réduire les droits de succession de manière légale avec notamment :

  • La loi TEPA qui permets d’exonérer totalement sans plafonnement les droits de succession pour le conjoint survivant
  • Le démembrement de propriété permettant d’anticiper la transmission de son patrimoine à ses héritiers en séparant la nue-propriété de l’usufruit d’un bien. De cette manière, les héritiers peuvent hériter de la nue-propriété, tandis que l’usufruitier conserve l’usage du bien jusqu’à son décès (donc maintien du niveau de vie). Cela permet une réduction significative de la base imposable pour le calcul des droits de succession.
  • L’assurance-vie & Le Plan Epargne Retraite qui sont deux enveloppes fiscales qui permettent à la fois de se constituer un patrimoine en bénéficiant d’avantages fiscaux rapidement tout en planifiant sa succession avec une clause bénéficiaire permettant un abattement de 152 500€ pour chaque bénéficiaire mentionné (cumulable avec l’abattement de droit commun de 100k€)

2- S’éduquer financièrement et flécher les incitations fiscales  

L’éducation financière est un élément crucial pour pouvoir se construire un patrimoine durable et prospère.

En mettant en place une stratégie patrimoniale efficace, on est en mesure de doubler son capital entre 10 et 15 ans.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas de capital initial, le fait de consacrer intelligemment ne serait-ce que 100€/mois dans des solutions d’épargne réglementées, permettrait au bout de 15 ans de passer de 0€ à plus de 30 000€ sortant ainsi de la catégorie des 30% de ménages les moins dotés en patrimoine en France (source INSEE).

Enfin, l’ensemble des dispositifs fiscaux ne permettent pas encore de privilégier suffisamment l’investissement dans l’économie réelle. La très grande majorité des fonds investis dans les contrats d’assurance-vie et plans épargne retraite sont logés dans des fonds obligataires rémunérés par des intérêts. En conditionnant que les fonds soient alloués dans l’économie réelle en investissant sur des actifs plus risqués tel le capital-investissement et l’investissement en actions cela permettrait déjà de créer plus d’emplois et de facto plus de richesse à distribuer entre le travail et le capital.


3 – Ayez foi !

Enfin, je ne peux terminer cet article sans bien évidemment aborder la dimension éthique que la finance islamique prône à travers ses principes.

En effet, la richesse ne doit être vue que comme un moyen d’atteindre des objectifs légitimes et ne doit être aucunement une fin en soi.

Les inégalités de richesse ont existé de tout temps et existeront toujours. Il est donc là question à travers ces lignes d’identifier certaines causes en notre disposition pour aspirer à une richesse pleine de bénédictions.

L’interdiction de l’intérêt,  des produits dérivés spéculatifs et l’incitation prônée pour l’investissement dans l’économie réelle éthique tout en prenant une part de risque, sont autant de principes que la finance islamique tente de proposer comme alternative durable.

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