Finance

Finance islamique : Investir en cryptomonnaie

Karim Ech-chkoubi
9/17/2024
8 min

La montée en puissance des cryptomonnaies a révolutionné le monde financier, et de nombreux investisseurs, y compris dans les pays musulmans, se demandent si ces actifs numériques sont compatibles avec les principes de la finance islamique. La finance islamique repose sur des règles strictes, telles que l’interdiction de l’intérêt (riba), de la spéculation excessive (gharar) et des activités illicites. Dans ce contexte, les cryptomonnaies, bien que populaires pour leur décentralisation et leur potentiel de rendement élevé, soulèvent des interrogations quant à leur conformité à l’éthique.

Des figures influentes de la finance islamique, comme Mufti Taqi Usmani, ont pris position sur la question. Ce dernier, président de l'AAOIFI (Organisation de Comptabilité et d'Audit pour les Institutions Financières Islamiques), a exprimé des avis nuancés sur les cryptomonnaies entre 2021 et 2024. Tout au long de la lecture nous découvrirons si les cryptomonnaies, selon Mufti Taqi Usmani ainsi que d'autres savant en finance,  sont déconseillées ou non, et quelles implications cela a pour les investisseurs musulmans.

1. Position de Mufti Taqi Usmani sur les cryptomonnaies


Mufti Taqi Usmani est une figure clé dans la régulation de la finance islamique, et ses avis influencent de nombreux savants et institutions islamiques à travers le monde. Ses positions sur des sujets financiers sont respectées, notamment lorsqu'il s'agit de juger la conformité de nouveaux produits financiers à la charia.

Position initiale (2021)

En mai 2021, Mufti Taqi Usmani exprimait déjà sa méfiance envers les cryptomonnaies. Il soulignait que la majorité des transactions impliquant des cryptomonnaies étaient motivées par la spéculation, rendant leur utilisation contraire aux principes islamiques. Cependant, il admettait que si les cryptomonnaies devenaient un moyen d'échange stable et largement utilisé pour le commerce réel, il serait nécessaire de réévaluer leur statut. Il affirmait à l'époque :

"For now we are not satisfied with it. It is mostly being used for speculative purposes. Personally, I won’t recommend it." - "Pour l'instant, nous n'en sommes pas satisfaits. Elle est principalement utilisée à des fins spéculatives. Personnellement, je ne la recommanderais pas."

Position en 2024

En août 2024, Mufti Taqi Usmani a renforcé sa position contre l'achat et la vente de cryptomonnaies comme le Bitcoin, Ethereum et d'autres monnaies digitales. Il a déclaré que ces actifs étaient principalement utilisés pour des fins spéculatives, et que, dans les pays où l'utilisation des cryptomonnaies est interdite, leur achat et leur vente n'étaient pas permises. Sa position est claire : les cryptomonnaies ne sont pas conformes à la charia en raison de leur spéculation excessive et de leur manque d'actifs tangibles.

En résumé, pour Mufti Taqi Usmani, les cryptomonnaies ne respectent pas les principes de la finance islamique, notamment en raison de leur volatilité et de leur absence de valeur intrinsèque.

Découvrez ici la fatwa de cheikh Taqi Usmani rapporté par la newsletter de Ethica

2. Les cryptomonnaies à travers le prisme de la finance islamique

L'examen des cryptomonnaies à travers la finance islamique met en lumière plusieurs problèmes liés à leur nature spéculative et à leur manque de tangibilité, des éléments clés dans le respect de la charia.

Spéculation (gharar)

Le gharar, ou spéculation excessive, est strictement interdit en islam. Or, la volatilité des cryptomonnaies en fait des actifs très spéculatifs. Les investisseurs achètent souvent des cryptomonnaies dans l'espoir de réaliser des gains rapides en fonction des fluctuations de prix, ce qui est contraire aux principes islamiques. Le Bitcoin, par exemple, a connu des variations de prix extrêmes, avec des hausses spectaculaires suivies de chutes importantes. Ce type de comportement spéculatif est prohibé dans la finance islamique, qui prône la stabilité et l'équité dans les transactions.

Incertitude (gharar) et absence d'actifs tangibles

Les cryptomonnaies ne sont pas adossées à des actifs physiques comme l’or ou l’immobilier, ce qui pose un problème dans le cadre de la charia. La finance islamique exige que les transactions reposent sur des actifs tangibles, garantissant ainsi la transparence et la sécurité des échanges. Les cryptomonnaies, étant des actifs purement numériques, ne remplissent pas ce critère. Elles sont souvent perçues comme des actifs numériques virtuels qui ne possèdent aucune valeur intrinsèque, ce qui les rend incompatibles avec les principes de la finance islamique.

Jurisprudence islamique

De nombreux savants musulmans ont étudié la question des cryptomonnaies et leur conformité à la charia. Le consensus général est que les cryptomonnaies, en tant que produits spéculatifs et non tangibles, ne répondent pas aux critères islamiques de transparence, de sécurité et d'équité. La plupart des érudits considèrent donc qu’elles ne sont pas conformes, en particulier en raison du gharar qu'elles impliquent.

En résumé, du point de vue de la jurisprudence islamique, les cryptomonnaies posent de nombreux problèmes, allant de leur volatilité à leur absence d'ancrage dans des actifs réels.

3. Les avis divergents dans la communauté islamique

Bien que la majorité des érudits soient opposés à l'utilisation des cryptomonnaies, certains savants estiment que leur utilisation pourrait être licite sous certaines conditions.

Opinions favorables

Certaines voix dans la communauté islamique estiment que les cryptomonnaies pourraient être licites si elles sont utilisées comme moyen de paiement pour des transactions licites et non à des fins spéculatives. Par exemple, si une cryptomonnaie était acceptée comme moyen d'échange stable et largement utilisé dans le commerce quotidien, elle pourrait, sous certaines conditions, être considérée comme conforme à la charia.

Avis majoritaires

La majorité des savants, dont Mufti Taqi Usmani, restent cependant opposés aux cryptomonnaies, principalement en raison de leur volatilité extrême et de l'absence d'actifs tangibles. Les cryptomonnaies sont souvent perçues comme des actifs spéculatifs, ce qui est en contradiction avec les principes islamiques d'équité et de justice financière.

Fatwas

Plusieurs fatwas (avis juridiques islamiques) ont été émises par des institutions religieuses influentes, déconseillant l'utilisation des cryptomonnaies. Ces avis mettent en avant les risques de spéculation et le manque de réglementation autour des cryptomonnaies, exposant ainsi les investisseurs à des pertes financières importantes.

Discussion sur les stablecoins

Les stablecoins, des cryptomonnaies adossées à des actifs tangibles comme l'or ou les devises traditionnelles, sont souvent présentés comme une alternative aux cryptomonnaies traditionnelles. Certains savants estiment que les stablecoins pourraient être conformes à la charia, car ils sont moins volatils et sont soutenus par des actifs réels. Toutefois, des questions de transparence et de conformité restent posées, ce qui limite leur acceptation dans la finance islamique.

4. Alternatives 100% éthiques pour les investisseurs musulmans

Pour les investisseurs musulmans cherchant des alternatives conformes à la religion, il existe plusieurs produits d'épargne et d'investissement, proposés par 570easi,  qui respectent les principes éthiques.

Produits d'épargne islamique

- Assurance-vie : Ces produits permettent d'investir dans des actifs conformes, en évitant les intérêts et les secteurs interdits comme le jeu ou l'alcool. Ils offrent également des avantages fiscaux tout en permettant de constituer une épargne éthique à long terme.

- SCPI (Société Civile de Placement Immobilier) : Les SCPI permettent aux investisseurs d'investir dans l'immobilier locatif, avec des revenus distribués sous forme de dividendes conformes à l’éthique. Ces investissements offrent une diversification du portefeuille tout en respectant les principes islamiques.

- Plan d'Épargne Retraite (PER) : Le PER permet de préparer sa retraite tout en investissant dans des actifs conformes à l’éthique, avec des avantages fiscaux et la possibilité de verser des rentes à long terme.


Ces produits offrent des solutions d'investissement conformes, permettant aux musulmans de faire fructifier leur épargne tout en respectant leurs convictions religieuses.

Conclusion

En conclusion, bien que les cryptomonnaies aient suscité un intérêt croissant dans le monde entier, leur conformité avec les principes de la finance islamique reste un sujet de débat. Pour des figures influentes comme Mufti Taqi Usmani, les cryptomonnaies sont pour l’heure, déconseillées en raison de leur spéculation excessive, de leur volatilité et de leur absence d'actifs tangibles. La majorité des savants islamiques partagent cette opinion, considérant que les cryptomonnaies ne répondent pas aux critères de la charia.

Pour les investisseurs musulmans, il est recommandé de privilégier des alternatives saines, comme l’assurance-vie islamique, les SCPI conformes à la charia ou les PER sains. Ces produits offrent des solutions d'épargne éthiques et stables, respectant les principes de transparence et d'équité propres à la finance islamique.

L'avenir des cryptomonnaies dans un cadre éthique dépendra de l'évolution de la régulation et de l'émergence de nouvelles innovations conformes à la charia. En attendant, la prudence reste de mise pour les investisseurs musulmans qui cherchent à respecter leurs valeurs tout en participant aux marchés financiers modernes.

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